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"Trouver un Job de rêve", L'interview de Cécile Banon

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"Même avec la meilleure des formations le poisson ne grimpera pas à l’arbre" - Cécile Banon

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Quel est le message fort de votre dernier livre « Trouvez le job de vos rêves : L'ikigaï pour mieux se connaître et se réaliser professionnellement » ?

Je me présente comme une personne du changement. J’ai vécu des changements toute ma vie, j’ai changé de pays, j’ai changé de ville, j’ai changé de métier. Et ce sont ces changements de métier qui ont écrit mon histoire et expliquent ma mission de vie aujourd’hui. J’ai eu une première carrière dans la finance et la comptabilité parce que je faisais comme mon père et comme mon grand-père. Et ce n’est qu’à la mi-temps de cette carrière que je me suis rendu compte que ce n’était pas ce qui me plaisait. Je me suis alors demandé : qu’est-ce qui me plait ? Cela m’a conduit à reprendre des études à l’âge de 48 ans pour rentrer dans les sciences humaines. Moi qui venais des sciences dures, la finance, la comptabilité… Je reprends mes études et j’obtiens un master II en sociologie. Je prends alors la responsabilité d’un observatoire social : celui de la Banque de France qui représente 10.000 salariés à cette époque là. L’observatoire social a pour but d’observer et d’accompagner le changement.

Concrètement je vais sur le terrain, je regarde comment ça se passe, quelles sont les difficultés, quels sont les blocages, quelles sont les incompréhensions et je porte cette connaissance aux managers pour qu’ils puissent adapter des mesures qui vont faciliter le changement. Les managers vont pouvoir aider les personnes pour qui la marche à monter est trop haute, trouver des leviers, réexpliquer le changement... Ce métier est devenu pour moi une passion, une renaissance. A 50 ans je me réinvente et j’exerce ce métier avec joie. Mais là, je découvre des gens qui sont en souffrance parce qu’ils ne sont pas à leur place. Ils ont des compétences mais ce ne sont pas celles que le poste demande. On est exactement dans la situation décrite par Einstein où l’on demande à un poisson de grimper dans un arbre.

Dans l’entreprise, on a tendance à faire du comblement de poste, à répondre à des besoins très urgents en faisant comme on peut. Il arrive qu’on mette un poisson dans un arbre en se disant que l’on débloquera les formations qu’il faut. Ces situations peuvent créer un climat délétère et un gâchis humain. C’est pour cela que lorsque j’ai quitté l’observatoire social, je me suis donnée comme mission d’accompagner les gens à trouver le poste et le projet professionnel qui leur convient. J’ai voulu donner à ces gens la méthode pour comprendre qui ils sont et donc savoir ce qui leur convient professionnellement. C’est gagnant-gagnant pour l’entreprise : l’entreprise a intérêt à employer des personnes faites pour ce travail et l’individu a beaucoup plus de chance d’être bon s’il est à sa place.

J’ai écrit cette méthode dans un livre sorti chez Eyrolles en 2022 : « Trouvez le job de vos rêves : L'ikigaï pour mieux se connaître et se réaliser professionnellement ». Ce livre aide les personnes à trouver leur place professionnelle. Et quand on est à sa place dans une entreprise, on trouve du sens dans son travail.

Aujourd’hui les gens perdent le sens au travail et s’en vont. La perte de sens augmente de 30% le risque de démission. Au premier trimestre 2023, il y a eu 496 600 démissions (de CDI). Les RH ont du mal à recruter dans les métiers ou les secteurs en pénurie. Au salon de l’aéronautique, un des leaders disait : aujourd’hui c’est nous, entreprise, qui donnons notre CV aux candidats. La situation s’est renversée, les candidats ont maintenant le pouvoir et les entreprises essayent de les séduire.

C’est aux Ressources Humaines de donner du « sens » mais c’est un mot valise : tout le monde y met quelque chose de différent. Comment donner du sens à tous ? Le sens à 25 ans ou 50 ans est rarement le même. C’est un sacré challenge pour les RH. Et pourtant le sens ça sert à recruter, à fidéliser et à engager. Quand les personnes perdent le sens certaines partent mais certaines restent et se résignent ce qui pose un réel problème d’engagement. Le coût du désengagement est évalué entre 12.000€ et 14.000€ par an par salarié (Source : Cabinet Mozart Consulting). L’entreprise est donc vraiment perdante mais l’individu aussi car se résigner et rester dans un travail qui ne nous plait pas finit par atteindre la santé mentale. Les entreprises s’épuisent à développer des valeurs comme la RSE, le bien-être au travail, la QVT… mais si les collaborateurs, pendant ce temps-là, se demandent à quoi leur travail sert, c’est peine perdue. C’est comme lorsque l’on marche avec le pied droit dans la chaussure gauche, on avance mais ça fait mal et on avance moins vite et moins bien. C’est perdant-perdant.

Comment donner du sens à tout le monde ? Il faut faire en sorte que chacun se trouve à sa place dans l’entreprise, faire en sorte qu'il y ait une cohérence entre l'individu avec le poste qu’il occupe : au niveau des compétences mais aussi au niveau de l’être. Pouvoir se projeter dans le futur construit qui l’on est. Savoir qu’on peut encore se développer et que l'on est utile sont des vecteurs dans lesquels s'engager. L’organisation du travail actuelle fait que l’on peut facilement perdre de vue à quoi l’on sert. Il y a par exemple une sur hiérarchisations aujourd’hui dans les grandes entreprises.

Comment les personnes qui contribuent à un tout petit bout du produit final peuvent s’imaginer qu’elles contribuent à la chaîne de valeur de l’entreprise ? Elles ne le voient pas.. Par exemple, actuellement on reconstruit de Notre-Dame de Paris. Imaginez celui qui est tout en bas de l’échelle, un tailleur de pierre ou un ébéniste. On lui donne une toute petite pièce à tailler. Comment peut-il imaginer qu’il construit la flèche de Notre-Dame de Paris ? Les tâches de certains postes sont tellement atomisées que ceux qui les réalisent perdent la vision de leur utilité. Il y a un travail à faire pour remettre en évidence l’intérêt des tâches de chacun et comment elles s’insèrent dans un projet plus grand que soi.

Autre exemple : aujourd’hui, le management par le chiffre s'impose. C'est normal qu'une entreprise cherche à savoir si elle gagne de l'argent ou non. Pour mesurer les performances, l'entreprise recourt à des indicateurs et des reportings. Dans le travail réel, ces reportings sont souvent confiés à des personnes qui en font toute la journée. Ces personnes se demandent en quoi faire des reportings, qui sont en fait des tableaux Excel, contribue à la chaîne de valeur.

C'est une perte de sens puisque la personne ne voit pas son utilité. Comment faire ?

Aujourd’hui, il faut faire vite et bien. Comment peut-on être rapide et faire de la qualité en même temps ? La pression est mise sur le collaborateur qui doit arbitrer jusqu’où il peut baisser la qualité pour être dans les temps. Le travail ce n’est pas uniquement gagner de l’argent. Nous mettons quelque chose de nous, nous engageons notre intelligence, nous faisons des efforts et nous sommes fiers du résultat obtenu. Faire de la qualité nourrit l'estime de soi. En être privé conduit à mettre des distances avec le travail et moins s'investir.

Les outils sont aussi parfois des facteurs de perte de sens. Par exemple, dans les mails, une pratique actuelle dans les entreprises est de mettre tout le monde en copie car on a peur d'oublier quelqu'un et que cela nous soit reproché. De ce fait, lorsque quelqu'un répond, la notification parvient à l'ensemble des personnes en copie qu'elles soient ou non concernées. On constate que souvent, c'est plus fort que nous, on regarde le mail car on a peur de manquer une information importante. Cette interruption de ce que nous étions en train de faire, et donc de notre concentration, engendre une fatigue qui alourdit la charge mentale. Cela c'est ce qui se passe dans le travail réel, différent de la fiche de poste.

En ce moment, je lis souvent un désamour des Français pour le travail avec des exigences d'équilibre vie privée / vie professionnelle, ce qui est légitime. Et pourtant le travail reste important pour 84% des Français. C’est un lieu où l’on peut grandir, où l’on peut apprendre.

La formation permet de rester employable. C'est d'autant plus important en ce moment que l'IA est en train de transformer les métiers ce qui est anxiogène.

Il revient aux Ressources Humaines de trouver des solutions. Du moins, c'est l'injonction reçue de la gouvernance.

Par exemple, des entreprises accordent du temps aux salariés pour qu'ils auto évaluent leurs compétences, qu'ils définissent le métier qui leur convient le mieux. Ensuite, ces entreprises débloquent des formations adaptées à leur projet professionnel. C'est enclencher une boucle vertueuse : le salarié excelle dans ce qu'il fait, il est reconnu, cela lui donne des ailes pour faire encore mieux.

Quelle est votre vision du Futur du Travail et comment les entreprises et les collaborateurs peuvent s'y préparer ?

Des jeunes hyper diplomés quittent l'entreprise au bout de quelques mois. Un exemple récent nous vient d’Hugo, jeune ingénieur, qui a rédigé une succession d'articles nommés « Voyage au bout des études sup ». Il fait son dernier stage dans une banque et découvre un monde déshumanisé : «  je suis dans un open space, la moitié du temps je fais des tableaux Excel, l’autre moitié du temps je fais des missions, tout le monde est dans le contrôle et les émotions sont retenues.  »

Il me semble qu'un retour vers des relations plus sincères, plus humaines est largement attendu. Avec davantage de considération. Avec davantage d'autonomie, pour que les collaborateurs organisent le travail à leur main, même si le manager fixe le cadre. C'est ce que j'ai appris dans mes études de sociologie : il n’y a que le balayeur qui sait s’il faut un balai rond ou carré. Et si l’entreprise donne au balayeur un balai carré alors qu’il fallait un balai rond, il fera le travail, mais moins bien et pour lui ce sera plus dur. Consulter ceux qui sont au plus proche du travail est un point important, il faut laisser de l’autonomie, pour que les gens puissent utiliser leur intelligence. Il y a vraiment des attentes pour plus de considération. Par exemple, quand je faisais du coaching, j’ai accompagné une dame qui était spécialiste en dermatologie et qui travaillait dans une très grande entreprise. Chaque fois qu’elle avait une idée, il fallait qu’elle passe par la procédure puis par la hiérarchie et finalement son idée disparaissait. Laissons le champ à la créativité et à l’intelligence.

Dans le futur, nous devons expliquer aux gens en quoi ils sont importants dans la chaîne de valeur, en quoi eux ils contribuent.

Ce ne sont ni des numéros ni des robots.

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Anne-Gabrielle Compagnon

Avec 15 ans d'expérience en Marketing Digital, dont 5 en tant que CMO, Anne-Gabrielle a rejoint May en tant que Head of Marketing. Elle est également Fondatrice de OlaTaNea, l'association qui vient en aide aux personnes à la rue et précaires. Anne Gabrielle est intervenue sur de nombreux médias tels que Libération, 20 Minutes, AFP, et ses actions ont sensibilisé plus de 45 000 personnes sur les conditions de vie des personnes à la rue en France.
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